Commentaires dissonants sur la nouvelle doctrine militaire Russe ..

Le 5 février 2010, le Président Medvedev a validé la nouvelle doctrine militaire Russe et la politique d’Etat en matière de dissuasion nucléaire à l’horizon 2020. Des 11 menaces définies par le document, 7 viennent de l’ouest et la première est toute désignée :  l’Amérique via son système de bouclier anti missile et l’extension à l’est de l’OTAN qu’elle pilote.
Toujours selon ce document : “le caractère et l’ampleur de l’emploi par la Russie de l’arme nucléaire en réponse à une agression dépend en premier lieu de l’efficacité des mesures politiques, diplomatiques, militaires et autres qui précèdent de recours à l’arme nucléaire”. En clair, Moscou se donne le droit si besoin de frappes nucléaires préventives si sa sécurité en tant qu’état est menacée.

Comme le souligne très bien Xavier Moreau : “Cette doctrine marque, en fait, la fin du rêve occidental russe. Il est difficile, aujourd’hui, de se représenter la naïveté avec laquelle la Russie a ouvert les bras à l’Occident, au début des années 90. Ce fut le cas dans les domaines économique, culturel, militaire et même dans celui de l’espionnage. Evgueni Primakov raconte dans ses mémoires* comment le nouveau chef des services secrets russes, pour faire preuve de bonne volonté, avait transmis les emplacements des micros-espions de l’ambassade américaine à Moscou. Les Etats-Unis avaient, de leur côté, offert des garanties sur la non extension de l’OTAN, et sur leurs intentions pacifiques. La suite est connue. Les vingt années qui suivent voient l’OTAN arriver aux frontières de la Russie, son allié serbe bombardé, et la population serbe de Krajina subir un nettoyage ethnique sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale. Les minorités russes sont persécutées dans les pays baltes, tandis que dans le berceau même du premier état russe, à Kiev, le département d’état américain met en place un gouvernement hostile. La rupture définitive survient lorsque la Russie observe avec effarement les démocraties occidentales restées indifférentes aux bombardements à l’artillerie lourde de la capitale ossète et, notamment, à la destruction complète du quartier juif. Pour l’administration russe, il est désormais clair que la posture morale de l’Occident est une hypocrisie et un mensonge“.
Plus grave encore, la Russie constate que le “droit international” n’existe plus. Le document dit :

-La violation par un état des accords internationaux, et l’échec à ratifier et à mettre en œuvre les traités internationaux précédemment signés sur la limitation et la réduction des armes 

-Le recours à la force militaire dans les territoires des états riverains de la Russie en violation de la Charte des Nations Unies et aux autres normes du droit international
-L’escalade des conflits armés sur les territoires voisins de la Russie et des nations alliées
Serguei Lavrov le rappelait à la dernière conférence de Munich le 06 février 2010 :
Que le principe de l’indivisibilité de la sécurité au sein de l’OSCE ne fonctionne pas n’est pas long à prouver. Rappelons-nous le bombardement de la République fédérale de Yougoslavie en 1999, quand un groupe de pays de l’OSCE, lié par cette déclaration politique, a commis une agression contre un autre pays de l’OSCE, qui était également couvert par ce principe.” 

Tout le monde souvient aussi de la tragédie d’août 2008 en Transcaucasie, où un pays membre de l’OSCE qui est lié par divers engagements dans le domaine du non-usage de la force, a utilisé cette force, y compris contre les soldats de la paix d’un autre pays membre de l’OSCE, en violation non seulement de l’acte final d’Helsinki, mais également de l’accord concret de maintien de la paix consacré au conflit Géorgie-Ossétie du Sud, qui exclut l’utilisation de la force.”

Cette vision d’un OTAN agressif est fondée. Il est vrai que depuis 20 ans et l’effondrement de l’URSS, les États-Unis et l’OTAN ont militarisé l’Europe à un niveau sans précédent – subordonnant  en fait presque tout le continent sous un bloc militaire dominé par Washington. Des 44 nations en Europe et dans le Caucase (à l’exclusion des micro-états et du pseudo-état otanien du Kosovo ), seulement six – Belarus, Chypre, Malte, Moldavie, Russie et Serbie – ont échappé à la mobilisation de leurs citoyens par l’OTAN pour le déploiement sur le front de la guerre d’Afghanistan. De ces 44 pays, seulement deux – Chypre et Russie – ne sont pas membres de l’OTAN ou de son programme de transition de Partenariat pour la Paix, et Chypre est soumise à une pression intense pour se joindre à la seconde.
Le 4 février 2010, soit la veille du jour ou le président Russe validait cette nouvelle doctrine militaire, le Président roumain Traian Basescu annoncait qu’il avait satisfait à la demande de l’administration Obama de baser des missiles intercepteurs US dans sa nation, cinq semaines après la nouvelle que des missiles antibalistiques U.S. Patriot seraient stationnés dans une région de la Pologne à une demi heure de la frontière la plus occidentale de la Russie.

Le 10 février 2010 la presse locale Tchèque (PraguePost) a écrit que “la République Tchèque est en discussion avec l’administration Obama pour accueillir un centre de commandement pour le plan de défense antimissile modifié des États-Unis.”

Vladimir Voronin, Président jusqu’en septembre dernier de la Moldavie, limitrophe à la fois de la Roumanie et de l’Ukraine, a averti que les déploiements de missiles US sur et au large de la côte de la Roumanie “peuvent transformer la Moldavie voisine en une zone de front de première ligne” et que “la position de la Roumanie sur le bouclier antimissile U.S. et un soutien aussi ouvert de la part de la direction actuelle moldave pourraient avoir des conséquences désastreuses pour la sécurité dans la région.” Celui ci ajouta que “le déploiement d’ ABM  US en Roumanie est de ramener l’Europe à la «Guerre Froide» ” et qu’il “doute que les ABM US soient braqués contre les menaces de l’Iran.” 

Le 12 février 2010 le premier ministre bulgare Boiko Borisov a révélé que les États-Unis tiendront des pourparlers avec son gouvernement pour placer des composants potentiels de missiles intercepteurs liés potentiellement à la première frappe dans cette nation de la Mer Noire. Le chef de l’Etat bulgare a expliqué la raison de sa volonté de prendre cette mesure risquée: «mon opinion est que nous avons à faire preuve de solidarité. Lorsque l’on est membre de l’OTAN, il faut travailler pour la sécurité collective

Ce cordon sanitaire autour de la Russie est évidemment parfaitement facile à comprendre : il traduit l’obsession américaine de fortifier son implantation sur le continent Européen, de repousser au maximum la Russie à l’est et de poser un nouveau “mur”, non plus à Berlin, mais à Chisinau, puisque Kiev à choisi de s’émanciper du giron américano-orange.



Cette obsession Américaine à empêcher tout rapprochement continental, dont ils seraient de facto exclus, a créé une situation de tension et de retour à des blocs militaires, car si l’OTAN est un bloc militaire, comme l’affirme Xavier Moreau avec beaucoup de finesse : “la Russie, la Chine et les pays d’Asie Centrale opposent désormais l’Organisation de coopération de Shangaï. Cette structure politique et militaire, sera un levier incontournable dans les relations internationales, alors que le continent asiatique remplace peu à peu l’Occident dans son leadership mondial. La Russie est la pénétrante naturelle de l’Europe vers l’Asie. Elle est la jonction entre ces deux continents. 

En laissant les Etats-Unis construire un nouveau rideau de fer sur le continent européen, et en acceptant de diluer leur puissance au sein de l’Union Européenne, la France et l’Allemagne se privent d’une ouverture vers l’avenir. La réaction positive du ministre des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle, au sujet du projet russe de sécurité collective mais également sa volonté de libérer l’Allemagne des armes nucléaires Américaines, ainsi que l’achat d’une frégate française par la Russie, laissent cependant entrevoir la possibilité d’un retournement politico-stratégique“.

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